Jerry Pinto Meurtres à Mahim
Traduit de l’anglais (Inde) par Patrice Ghirardi
Un jeune homme est retrouvé mort, éventré et amputé d’un rein, dans les toilettes publiques d’une gare de la proche banlieue de Bombay où il était venu chercher des relations homosexuelles. Alors que d’autres corps sont retrouvés, un journaliste à la retraite, Peter Fernandes, vient en aide à l’inspecteur Shiva Jende pour retrouver le meurtrier…
Avec Meurtres à Mahim, Jerry Pinto nous entraîne au cœur de « La Scène », milieu gay underground de Bombay dont même ses deux protagonistes ne soupçonnaient pas l’existence. Il creuse ainsi un thème rarement abordé dans la littérature indienne.
Comme dans ses livres précédents, Pinto brille aussi à décrire une métropole qui ne ressemble décidément à aucune autre au monde, à dessiner – souvent avec humour – une galerie de personnages atypiques et attachants et, finalement, à nous parler d’amour. L’amour qui se cache et émerge des poches de crasse, de tristesse et de désespérance.
- ISBN 979-10-96596-13-3
- Dimensions du livre 13 x 20.5 cm
- Nombre de pages 230 pages
- Prix 17.50 €
- Date de parution 04/03/21
Sur le net
« Une histoire fascinante… Bienvenue dans la mégalopole que le romancier connaît comme sa poche ! C’est un régal d’être pris par la main à travers un labyrinthe palpitant de meurtres mystérieux, tout en explorant les relations familiales et amicales.
– Ganesh Saili, The New Indian Express
« Pinto décrit la ville avec la sobriété d’un poète. On sent la crasse des quais de chemin de fer, les embouteillages, tous les types de quartiers et de maisons… C’est un livre que l’on peut terminer rapidement – pour ensuite y revenir et le savourer à loisir, une qualité que peu de romans policiers possèdent. »
– Peter Griffin, The Hindu
Le roman policier de Pinto tient en haleine, tout en peignant les dessous de la sexualité gay en Inde, les questions de classe et de caste, et la vie des travailleurs du sexe… On peut lire Meurtres à Mahim comme un roman noir qui ne peut se dérouler qu’à Bombay… ou comme une étude déchirante et approfondie sur tous ceux que les sombres fissures de la ville aspirent puis recrachent. Aux meilleurs passages, le roman peut être lu et apprécié comme un mélange puissant et habile de ces deux lectures. »
– Shreya Ila Anasuya, The Wire
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Du côté indien, avec autant de gentillesse de propos que dans Psychiko, voici Meurtres à Mahim de Jerry Pinto, un roman situé, lui, dans le monde d’aujourd’hui. Les meurtres du livre sont perpétrés dans les milieux de l’homosexualité et de la prostitution masculines à Bombay. Le traitement de tout cela est fait avec bonhomie, ce qui n’était pas donné, grâce à des personnages sympathiques et une intrigue tranquille. En plus de nous faire participer à la vie des classes moyennes en Inde, le livre est un plaidoyer contre certaines pénalisations criminogènes. En effet, Meurtres à Nahim montre les effets de la « Section 377 » du Code pénal indien condamnant les « actes contre nature » (ce texte fut aboli en 2018, mais le roman se déroule avant cette date). Cette section, plongeant les homosexuels dans une quasi-clandestinité, les rendait régulièrement victimes de chantage et d’extorsion, pratiques dans lesquelles étaient passés maîtres des policiers désireux de compléter leurs salaires.
POLARS URBAINS
Jean-Paul Martin
| Mars 2021
Jerry Pinto est un écrivain indien originaire de Goa (comme l’un des protagonistes de Meurtres à Mahim) reconnu dans son pays. Son deuxième roman traduit en français commence par un crime sordide dans un lieu sordide : un homme est découvert mort dans les latrines publiques de la gare de Matunga, dans le quartier de Mahim, à Bombay, lieu de rencontres homosexuelles clandestines. Non seulement la victime était gay mais son meurtrier lui a prélevé un rein. Un double mystère pour l’inspecteur Shiva Jende qui sollicite l’aide de son ami d’enfance Peter Fernandes, journaliste en rupture de journal.
L’enquête va de révélations en rebondissement. Vivant dans la crainte permanente de tomber sous le coup de l’article « Section 377 » du Code pénal criminalisant l’homosexualité, la communauté gay de Bombay vit dans une quasi-clandestinité et est régulièrement victime de prédateurs se livrant au chantage et à l’extorsion de fortes sommes. Une pratique privilégiée par certains policiers qui abusent de leur position pour compléter grassement leurs salaires. Tout se complique quand le premier assassinat est suivi d’autres événements tragiques : le meurtre appelle la vengeance qui, à son tour, est responsables de nouvelles morts.
« – Amon avis, tu ne sauras jamais qui a assassiné ce garçon. Tout le monde s’en fout d’un mec pareil. Qui accepterait de faire un boulot aussi dégueulasse ! Rester dans les chiottes à exhiber sa bite en public pour tendre un piège à de pauvres homos… Tu sais comment ils les appellent, à New York, ces vendus ? Les Dirty Gays, les gays pourris. Il le faisait sans doute parce qu’il n’était pas foutu de trouver un autre boulot. Il devait être pauvre. Dans ce pays, quand un miséreux crève, qui s’en préoccupe ? »
Meurtres à Mahim est un roman policier classique mais efficace, réaliste sans jamais tomber dans la complaisance ou le sordide. Jende et Fernandes mènent leur enquête avec rigueur, privilégiant les interrogatoires de témoins et le travail sur le terrain, au prix de visites nocturnes autour de la gare de Matunga chez les adeptes du cottaging. Le duo fonctionne bien et est tout à fait convaincant. Sans aller jusqu’à parler d’empathie, le policier comme l’ex-journaliste n’ont pas d’idées reçues sur un milieu qu’ils vont progressivement découvrir, même si Peter et son épouse Millie se posent des questions quant à la possible homosexualité de leur fils unique Sunil.
On adhère donc facilement à cette plongée dans la communauté gay et à une histoire de double vengeance qui ressemble à « une tragédie grecque qui se déroulerait dans les toilettes publiques de Bombay ». L’environnement est largement pris en compte et Jerry Pinto ne fait pas l’impasse sur les conditions de vie dans une ville de dix-huit millions d’habitants, où la promiscuité empêche toute intimité et conduit les plus vulnérables à commettre l’irréparable quand ils ne peuvent atteindre la vie meilleure et l’ailleurs dont ils rêvent. Avec ce premier polar, très réussi, les éditions Banyan confirment leur position dans la diffusion en France de la littérature indienne classique et contemporaine.
ZIBELINE
Maryvonne Colombani
| Mars 2021
Les éditions Banyan, spécialisées dans la diffusion en France de la littérature indienne classique et contemporaine, font un pari réussi avec la publication du premier polar de leur catalogue : Meurtres à Mahim de Jerry Pinto, dans une traduction de Patrice Ghirardi. Meurtres, milieux interlopes, fausses pistes, s’enchaînent en un rythme soutenu. Tout commence par un crime abject dans les latrines publiques de la gare de Matunga dans le quartier de Mahim à Bombay. C’est là qu’ont lieu des rencontres homosexuelles clandestines. En effet, dans la deuxième décade du XXIe siècle, le code pénal indien criminalise encore l’homosexualité par l’article « Section 377 » (annulée par la Haute Cour de Delhi en 2009, la loi fut invalidée quatre ans plus tard par la Cour suprême. Il faudra attendre le 6 septembre 2018 pour que la « Section 377 » soit décrétée par cette même cour inconstitutionnelle, précise l’éditeur). En une écriture précise et puissante, les portraits sont brossés avec finesse, les nombreux personnages prennent une épaisseur humaine qui donne corps et relief à la narration.
« Bombay dédaigne la nuit » affirme l’incipit, et pourtant, dans cette orgie de lumières, se trament calculs sordides, vengeances. La clandestinité imposée à la communauté gay profite à certains policiers qui, usant de leurs prérogatives, complètent indécemment leurs piètres salaires. Une fresque sociale se dessine, évoque les conditions indignes dans lesquelles vivote une population pauvre : comme certains immeubles ne disposent que d’un lieu d’aisance, les enfants sont expédiés dehors pour faire leurs besoins. L’irréparable s’accomplit, nourri des rêves déçus de personnes qui voient que toute amélioration de leur sort leur est interdite. On suit l’inspecteur Shiva Jende et son ami d’enfance le journaliste à la retraite Peter Fernandes dans une enquête aux multiples rebondissements, un meurtre semblant en appeler un autre. Dans ce contexte, on voit Peter et son épouse Millie s’interroger sur la possible homosexualité de leur fils unique Sunil… Un roman polymorphe, sensible et non dénué d’humour, qu’on ne lâche pas une fois commencé.
ASIALYST
Patrick de Jacquelot
| Mars 2021
Le Bombay gay à la sauce polar
MÉCANISME DE LA VENGEANCE
Peter Fernandes est un journaliste bombayite à la retraite. Alors qu’il se demande où, une fois de plus, son fils unique Sunil a pu bien disparaître pour mener à bien ses improbables missions plus ou moins humanitaires, son ami, l’inspecteur Jende du commissariat de police de Mahim le contacte afin qu’il le rejoigne immédiatement sur une scène de crime.
Un jeune homme a été retrouvé sauvagement assassiné et amputé d’un rein dans les latrines situées sous la passerelle de la gare de Matunga dans le quartier de Mahim. Ce lieu, ouvert aux quatre vents, est, la nuit, un lieu idéal pour les trafics en tous genres et les rendez-vous clandestins entre hommes.
Les deux amis ont pour objectif de résoudre cette affaire criminelle des plus sordides. Cette enquête les mènera dans le milieu gay underground de la ville mais ils découvriront très rapidement que derrière ce meurtre se cache une affaire bien plus complexe qu’elle n’y paraît où des policiers sont incriminés.
Avec Meurtres à Mahim, Jerry Pinto nous transporte une nouvelle fois à Bombay/Mumbai mais dans une toute autre ambiance. Il nous ouvre les portes du milieu gay underground de la ville à travers un polar, audacieux et parfaitement bien réalisé.
Porté par l’article du Code pénal indien « Section 377 » qui criminalisait l’homosexualité (et qui a été jugé inconstitutionnelle en 2018), Jerry Pinto a fait des relations entre hommes un thème central de son polar. La notion de genre est également abordé, la corruption véritable plaie indienne y est très présente et Bombay oblige, la diversité culturelle est largement représentée … Le protagoniste, qui se nomme Peter, est un gentil journaliste qui, en voulant résoudre ce meurtre, découvre le monde où évolue son fils et un autre membre de sa famille, Leslie. Son ami l’inspecteur Jende est le policier modèle, d’une espèce rare, car il n’est pas corrompu contrairement aux autres policiers de ce polar, qui trempent dans l’extorsion de fonds, dans la prostitution, le trafic, le chantage, … Les deux amis d’enfance se doivent de résoudre non pas un crime mais plusieurs. Ils iront de surprise en surprise, tout comme le lecteur car la vérité n’est pas toujours là où on l’attend.
Meurtres à Mahim nous offre à découvrir une nouvelle facette de Bombay, une ville qui ne cesse jamais d’inspirer les auteurs. En plus d’un excellent polar, très prenant, Jerry Pinto nous offre à découvrir un large éventail de personnages aux origines diverses et de statuts différents. Le langage utilisé par Jerry Pinto peut paraître de temps en temps cru, mais est en parfaite adéquation avec les personnages qu’il met en scène. Avec « Meurtres à Mahim », Jerry Pinto fait nous transporte dans de nombreux quartiers de la mégalopole de Bombay/Mumbai et nous fait comprendre qu’elle est une ville unique. Meurtres à Mahim est un polar à lire et dans lequel Jerry Pinto nous démontre une fois de plus, ses talents d’écrivain.
PASSION POLAR
| Mars 2021
« Bombay dédaigne la nuit.
Lorsque l’astre du jour sombre dans l’océan, l’obscurité n’en profite pas pour autant. Ses tentatives d’engloutir la cité sont tenues en échec par les myriades de néons qui, le soir venu, s’allument en clignotant, et par les torchères de gaz naturel de la zone portuaire, dont les lueurs blafardes illuminent les flanc de la colline que les enfants appellent » la tombe du géant ». Quand tombe le crépuscule, seuls quelques recoins isolés sont gagnés par les ténèbres. »
La chronique de ce ouvrage est un petit évènement pour Passion Polar. C’est en effet la première fois depuis dix que ce site existe, que j’ai le plaisir de lire, et donc de chroniquer, un roman indien !
L’occasion aussi de découvrir un éditeur que je ne connaissais pas jusqu’ici, les éditions Banyan, qui semblent se spécialiser dans la littérature de ce sous-continent.
Bombay. Peter Fernandes, journaliste à la retraite est appelé sur une scène de crime par son ami l’inspecteur Shiva Jende.
Dans les latrines d’une gare de la proche banlieue de la ville, le corps sans vie d’un homme a été retrouvé éventré. Un de ses reins a été prélevé.
Le garçon est un jeune homosexuel venu chercher le plaisir d’un soir dans ce lieu sordide puant la pisse et le sexe.
Car à cause d’une législation coercitive qui fait de l’homosexualité un délit, les gays de Bombay sont obligés de vivre dans la clandestinité et de se retrouver dans ces endroits isolés et glauques, au risque d’y faire de mauvaises rencontres.
C’est sans doute ce qui est arrivé à ce jeune, même si le fait qu’on lui ait prélevé un organe interpelle les deux amis, qui vont se lancer dans une enquête qui ne manquera ni de rebondissements ni de chausse-trappes.
Bien sûr, ce sera une plongée dans le milieu underground et gay de la ville de Bombay à laquelle va nous inviter l’auteur.
Pour autant, l’affaire va s’avérer beaucoup plus complexe que çà. À l’idée que la victime se serait trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, que le hasard aurait vraiment mal fait les choses, va se substituer peu à peu un tout autre scénario que mettront à jour les deux complices. Une histoire qui va mêler racket et vengeance et où les morts vont s’accumuler.
Meurtres à Mahim est d’une construction tout ce qu’il y a de plus classique. C’est peut-être la première surprise de ce livre. Ce n’est donc pas là qu’il faut trouver l’originalité de ce roman indien.
C’est davantage dans la fresque sociétale que dépeint Jerry Pinto qu’il faut aller la chercher.
Car l’enquête se situe à une époque où l’homosexualité était encore criminalisée en inde, fragilisant de fait toute une frange de la population qui se retrouvait sans défense face aux abus, à la violence ordinaire, ou au chantage de la police.
La place de l’homosexualité dans la société indienne est prégnante au fil des pages.
Peter Fernandes, le journaliste à la retraite s’interroge sur son propre fils. Celui-ci disparaitra un temps alors qu’au même moment la presse le présente comme un activiste gay.
Pire, on retrouvera son numéro de portable dans le téléphone de la victime ce qui questionnera sur son implication dans cette affaire criminelle.
C’est aussi la peinture d’une société où les plus faibles et les plus démunis souffrent et s’entassent dans des immeubles aux logements insalubres, où la promiscuité et le manque de sanitaire occasionnent des scènes surréalistes, et où la pauvreté les pousse parfois à des choix dramatiques.
Au passage, l’auteur n’oublie pas de pointer la corruption qui gangrène toutes les strates de la société indienne, à commencer par la police où nombre de ses fonctionnaires n’hésitent pas pour arrondir leur fin de mois, à se livrer au chantage à travers de coups montés, où de jeunes gays servent quelques fois d’appât.
« Meurtres à Mahim » est un roman plaisant à lire. Classique dans sa construction donc, mais qui donne à voir un pays que nous découvrons au fil de ces quelques pages, à la suite de ce duo d’enquêteurs qui mènera son enquête de manière minutieuse pour faire éclater la vérité.
Un duo improbable bien difficile à imaginer en occident, tant l’ancien journaliste aura accès aux scènes et aux éléments de l’enquête comme s’il était lui-même inspecteur. Mais c’est aussi cette particularité qui va donner le sel à ce binôme original.
Meurtres à Mahim marque donc ma première incursion dans la littérature de ce pays-monde. Un univers surprenant, déconcertant par bien des aspects, mais qui souligne aussi bien des points commun avec les travers de nos sociétés occidentales.
Une première expérience qui j’espère, grâce aux éditions Banyan, en appellera d’ autres tant j’aurai pris plaisir à découvrir ce premier auteur indien.